Les Journées nationales de la Fédération de l’Entraide Protestante
(Paris 31 mars - 2 avril 2006)
vues par Franck Samson, animateur de la Maison relais du Diaconat
 
« La fraternité : une exigence pour nous maintenant »

Franck, vous êtes responsable de la maison-relais Sichem. Comment êtes-vous arrivé là ?
        Je suis en fait coordinateur des maisons-relais du Diaconat, celle-ci et celle qui est en projet à Pessac.
Mon métier, c’est l’animation socio-culturelle. Mais, avec les années, je me suis senti plus attiré par les problèmes sociaux, celui de la précarité en particulier. Je travaille depuis 2002 pour le Diaconat et je suis à Sichem depuis août 2005.

Avez-vous souhaité participer à ces journées ou vous l’a-t-on demandé ?
        J’avais le désir d’y participer. Non-chrétien, sans religion même, je souhaitais découvrir l’institution protestante qui m’emploie. Et j’étais curieux de voir comment un penseur comme Michel Serres, l’intervenant principal, allait aborder le sujet.

Etiez-vous nombreux ?
        De Bordeaux, une dizaine dont trois salariés – le Diaconat de Bordeaux avait fait le choix financier cette année d’envoyer une délégation importante – alors que d’autres départements n’ont pas les mêmes moyens. En tout, nous devions être 150 environ.

Qu’avez-vous fait durant ces trois jours ?
        Le cœur du sujet a été lancé par Michel Serres. Il s’est amusé sans doute à démontrer que la fraternité est excluante : si on se dit frères, c’est toujours contre quelqu’un. Il a étudié dans l’histoire les réflexes de rejet de ceux qui ne sont pas frères : cette volonté de fraternité peut donc œuvrer dans le sens inverse de ce que l’on attend, dans la devise républicaine par exemple. S’appuyant ensuite sur les thèses d’un anthropologue, Coppens, qui a étudié l’évolution des grands singes, il nous a provoqués en montrant que, si nous sommes frères, c’est par les lois génétiques et non par idéal.
        Un débat a suivi qui nous a fait réfléchir sur la fraternité vécue dans un contexte pastoral.

Une soirée intelligente : Michel Serres est un orateur né, sa parole est généreuse et sait se faire concrète – c’est presque un conteur. On n’a sans doute pas appris grand-chose mais c’était intéressant et on s’est bien amusé aussi.

 Le lendemain, un pasteur-ouvrier, comme on dit un prêtre ouvrier, syndicaliste, a évoqué la fraternité au sein de son travail dans la métallurgie. Il a toute une expérience d’accompagnement après une fermeture d’usine, après une restructuration, essayant de conserver les liens entre ceux qui restent et ceux qui sont exclus. On a entendu aussi des témoignages variés : il y avait par exemple des représentants du patronat protestant, cela sur fond de manifestations anti-CPE.

        Des ateliers par régions ont permis de se connaître et de s’organiser pour créer des liens réguliers.
D’autres ont abordé toutes les questions qui traversent la militance du Diaconat : handicap, précarité, immigrés etc.
La présentation synthétique des actions des Entraides protestantes par régions a brossé un panorama assez complet des problèmes sociaux français – problèmes que l’Etat délègue volontiers – délaisse ? – au secteur associatif.
Parallèlement, il y avait aussi un aspect religieux, messes ou célébrations, auquel je n’ai pas participé.

Avec le recul de quelques semaines, qu’avez-vous retiré de ces Journées ?
        Toutes ces rencontres ont été intéressantes. J’ai expérimenté que le milieu pour lequel je travaille est intelligent. Je me suis senti en accord avec la vision de cette association. Les Entraides protestantes se révèlent efficaces par leur rigueur, qui est reconnue par les institutions. Dans une période où, après la faillite du socialisme, plus rien ne semble pouvoir freiner le libéralisme économique sauvage, je me suis rendu compte qu’il reste les gens de foi pour lui opposer une éthique sociale. Et c’est rassurant.

Propos recueillis par Chrisbal