« La fraternité
: une exigence pour nous maintenant » |
Franck, vous êtes responsable
de la maison-relais Sichem. Comment êtes-vous arrivé là
?
Je
suis en fait coordinateur des maisons-relais du Diaconat, celle-ci et
celle qui est en projet à Pessac.
Mon métier, c’est l’animation socio-culturelle. Mais,
avec les années, je me suis senti plus attiré par les problèmes
sociaux, celui de la précarité en particulier. Je travaille
depuis 2002 pour le Diaconat et je suis à Sichem depuis août
2005.
Avez-vous souhaité participer à
ces journées ou vous l’a-t-on demandé ?
J’avais le désir
d’y participer. Non-chrétien, sans religion même, je
souhaitais découvrir l’institution protestante qui m’emploie.
Et j’étais curieux de voir comment un penseur comme Michel
Serres, l’intervenant principal, allait aborder le sujet.
Etiez-vous nombreux ?
De Bordeaux, une dizaine
dont trois salariés – le Diaconat de Bordeaux avait fait
le choix financier cette année d’envoyer une délégation
importante – alors que d’autres départements n’ont
pas les mêmes moyens. En tout, nous devions être 150 environ.
Qu’avez-vous fait durant ces trois jours ?
Le cœur du sujet
a été lancé par Michel Serres. Il s’est amusé
sans doute à démontrer que la fraternité est excluante
: si on se dit frères, c’est toujours contre quelqu’un.
Il a étudié dans l’histoire les réflexes de
rejet de ceux qui ne sont pas frères : cette volonté de
fraternité peut donc œuvrer dans le sens inverse de ce que
l’on attend, dans la devise républicaine par exemple. S’appuyant
ensuite sur les thèses d’un anthropologue, Coppens, qui a
étudié l’évolution des grands singes, il nous
a provoqués en montrant que, si nous sommes frères, c’est
par les lois génétiques et non par idéal. Un
débat a suivi qui nous a fait réfléchir sur la fraternité
vécue dans un contexte pastoral.
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Une soirée intelligente : Michel Serres est un orateur
né, sa parole est généreuse et sait se faire concrète
– c’est presque un conteur. On n’a sans doute pas appris
grand-chose mais c’était intéressant et on s’est
bien amusé aussi.
Le lendemain, un pasteur-ouvrier, comme on dit un prêtre
ouvrier, syndicaliste, a évoqué la fraternité au
sein de son travail dans la métallurgie. Il a toute une expérience
d’accompagnement après une fermeture d’usine, après
une restructuration, essayant de conserver les liens entre ceux qui restent
et ceux qui sont exclus. On a entendu aussi des témoignages variés
: il y avait par exemple des représentants du patronat protestant,
cela sur fond de manifestations anti-CPE.
Des ateliers par régions
ont permis de se connaître et de s’organiser pour créer
des liens réguliers.
D’autres ont abordé toutes les questions qui traversent la
militance du Diaconat : handicap, précarité, immigrés
etc.
La présentation synthétique des actions des Entraides protestantes
par régions a brossé un panorama assez complet des problèmes
sociaux français – problèmes que l’Etat délègue
volontiers – délaisse ? – au secteur associatif.
Parallèlement, il y avait aussi un aspect religieux, messes ou
célébrations, auquel je n’ai pas participé.
Avec le recul de quelques semaines, qu’avez-vous retiré
de ces Journées ?
Toutes ces rencontres
ont été intéressantes. J’ai expérimenté
que le milieu pour lequel je travaille est intelligent. Je me suis senti
en accord avec la vision de cette association. Les Entraides protestantes
se révèlent efficaces par leur rigueur, qui est reconnue
par les institutions. Dans une période où, après
la faillite du socialisme, plus rien ne semble pouvoir freiner le libéralisme
économique sauvage, je me suis rendu compte qu’il reste les
gens de foi pour lui opposer une éthique sociale. Et c’est
rassurant.
Propos recueillis par
Chrisbal |